Qu’est-ce qui est le plus ridicule : le sexisme ou le fait de lutter contre ?
Les querelles à propos de l’écriture inclusive ont quelque chose de profondément ridicule. La plupart des critiques négatives s’agglomèrent autour du point médian qui n’est pourtant qu’un détail du procédé, sans tenir compte du symbolisme global. Ces enragements, autant absurdes que violents, relèvent plutôt des difficultés et de la peur qu’éprouve toujours plus notre nation face à la fameuse notion du vivre ensemble.
Et nous, petites mains du web, nous avons notre mot à dire. Nous, rédacteurs et rédactrices, nous devons prendre conscience du rôle que nous avons à jouer pour apporter plus d’égalité entre les hommes et les femmes. Au-delà de pouvoir, nous devons lutter contre le fléau du sexisme.
L’écriture inclusive, un outil de plus dans la mallette
Comment peut-on dire qu’il y a d’autres combats plus urgents à mener pour l’égalité entre les hommes et les femmes, et balayer ainsi un instrument qui a le potentiel pour faire évoluer les mentalités ? Il n’y a pas de petits combats. Il n’y a pas besoin d’être linguiste ou féministe pour voir à quel point il est urgent de rétablir des symboles forts dans notre quotidien pour aller vers plus de tolérance, de reconnaissance et de respect les uns envers les autres, peu importe le genre et le sexe.
Le constat des violences engendrées par le sexisme
En 2017 :
Il y a toujours une femme qui meurt tous les trois jours à cause de violences conjugales.
Il y a toujours une différence de salaire colossale et injustifiable entre les femmes et les hommes.
Il y a toujours beaucoup trop de harceleurs et de violeurs. Quant à la façon dont les plaintes des femmes sont traitées par les autorités, je laisse le sujet là parce qu’il y aurait de quoi écrire aussi.
Je continue ? Attendez, j’en ai encore dans ma besace ! Car oui, le sexisme et sa traduction politique et sociale, le patriarcat, continuent de faire des victimes, y compris chez les hommes. Des lois ont été votées, mais ça ne suffit pas. Alors peut-on envisager, censément, de repousser en bloc un outil contre ce fléau simplement parce que ça va bousculer les habitudes, et que les drames continuent ? Peut-on être pour l’égalité femmes-hommes et refuser un moyen supplémentaire de lutte ? Non. Ce n’est pas logique.
Bien sûr, les choses avancent. Si ça n’avait pas été le cas, le mot-dièse #balancetonporc n’aurait pas eu autant de « succès », et n’aurait pas révélé aux hommes l’ampleur du problème.
Alors en quoi utiliser l’écriture inclusive peut bien aider le schmilblick ?
L’écriture inclusive est l’incarnation linguistique de l’égalité femmes-hommes. La langue française n’est pas neutre. À partir du moment où il existe une règle grammaticale enseignée aux plus jeunes que le masculin l’emporte sur le féminin, on ne peut pas soutenir que la langue est neutre. Utiliser l’écriture inclusive permet de changer cet enseignement, de ne pas habituer les petites filles à être dominées par les petits garçons, et de ne pas habituer les petits garçons à pouvoir dominer les petites filles, même symboliquement.
Surtout symboliquement. Le poids des symboles sur notre façon d’être n’est plus à démontrer. Le symbole crée des appartenances, des cases dans lesquelles les êtres humains rangent une partie de leur cerveau : le drapeau français, le drapeau américain, la faucille et le marteau, le croissant et l’étoile, la croix, le doigt d’honneur, etc. L’Obs propose d’ailleurs une très belle vidéo pour démontrer l’impact des mots sur l’imagerie mentale, et celle-ci contre beaucoup d’arguments utilisés par chaque bord dans la querelle.
Maintenant, une étape doit être franchie pour offrir un autre symbole, toutes générations confondues. L’écriture inclusive est une incitation permanente à l’égalité de droits et de faits entre les êtres humains. Elle est un rééquilibrage de l’outil linguistique et elle l’accorde à ce qui est déjà une réalité légale en passe de devenir une réalité de faits. Cela permet à tout le monde d’entendre durablement qu’il y a des femmes à côté des hommes, qu’elles ont des capacités, des besoins, parfois similaires et parfois non. Notez que cela a quand même plus de chance d’aider que d’empirer la situation. Sauf si on est de mauvaise foi.
Et le rôle des rédacteurs et rédactrices web dans tout ça ?
J’y viens. Chaque jour, le web se construit grâce à nos petites mains habiles. Et même si nous sommes souvent sous-payé.e.s (bisous sur votre cœur à Madagascar et à vous autres concerné.e.s), nous avons une force de frappe puissante. Nous sommes des dealers de mots, nous sommes des influenceurs et des influenceuses.
Combattre le sexisme, un devoir moral
Les Sages ont estimé que l’écriture inclusive était un « péril mortel » pour la langue française. Personnellement, je vois un péril mortel pour les femmes à perpétuer un système toujours inégalitaire. Cependant ! Elles et ils reconnaissent aussi du bout des lèvres que bon, l’usage fait loi. Nous pouvons donc agir pour apporter notre contribution à la lutte contre le sexisme sans contrevenir à notre intégrité de professionnel.le de l’écrit.
Et, n’en déplaise à nos Messieurs et quelques Mesdames fort.e.s instruit.e.s, nous DEVONS le faire. Autant que possible. Même si la crainte de perdre des clients ou de froisser un lectorat aux valeurs conventionnelles est tout à fait justifiée. Nous-mêmes, au sein de la rédaction de SEOmantique, le débat est toujours ouvert, mais d’autres rédactions influentes ont tranché et s’engagent pour, comme Slate dans une tribune inspirée.
Comment mettre ces modifications en place ?
Cela peut être fait discrètement, en utilisant les fameux doublons type « conducteurs et conductrices » rangés par ordre alphabétique — et non selon l’usage qui veut que les femmes soient en premier systématiquement —, en féminisant les noms de métiers, de fonctions, de grades, ou encore en utilisant des termes plus globalisants comme « les êtres humains » au lieu de « l’Homme ».
Mais cela peut aussi être un atout à proposer en amont aux clients, surtout avec le point médian. Cela leur laisse le choix de leur communication, s’ils veulent avoir une image patriarcale, engagée, ou juste un peu égalitaire en évitant le point milieu tout en mettant le reste en place.
La lutte contre le sexisme peut aussi devenir un argument marketing pour votre entreprise ou celle de votre client, au même titre que l’écologie, la lutte contre le racisme, ou toute autre lutte sociétale salutaire parce que, certes, vous êtes dans le commerce et la communication, mais vous êtes aussi et avant tout des êtres humains. Il existe des formations, des ateliers d’écriture, et même des lexiques dédiés gratuits pour faire évoluer votre entreprise ou votre style vers plus d’égalité. Faites votre sauce !
Soyez un colibri du web contre le sexisme
Peut-être connaissez-vous la fable du colibri qui veut éteindre un feu de forêt en faisant des allers-retours entre les bois et la rivière la plus proche ? Les autres animaux lui disent qu’il est trop petit pour y parvenir. Mais lorsqu’il leur répond que ce qui l’intéresse, c’est de faire sa part, tous les autres s’y mettent. L’histoire ne dit pas si le feu a été éteint grâce à eux. Mais en revanche, si on ne fait rien, il y a de grandes chances pour qu’il ne s’arrête pas du tout et continue de faire d’énormes dégâts. Alors, soyez un colibri du web. Plus nombreux, nombreuses on sera, et plus cela aura un impact. Arrosons nos vies de valeurs positives pour les apaiser.
PS. Ces propos n’engagent que moi, et je remercie David et mes collègues de SEOmantique d’avoir autorisé cette publication dans nos colonnes. Signe que le débat est lancé ici aussi.
4 commentaires
Bonjour,
La forme, c’est bien gentil, mais le fond est quand même l’objectif premier.
Quand on écrit, c’est qu’on a un message à faire passer sur le fond. Or, en utilisant l’écriture inclusive, on donne priorité à un message militant : la forme risque de noyer le message principal du texte.
Pour qu’un message atteigne le lecteur, il faut des phrases courtes, des paragraphes aérés. Bref, il faut faciliter la lecture. Tout l’inverse de l’écriture inclusive…
En utilisant l’écriture inclusive, le rédacteur se fait plaisir. Mais il en oublie le message de fond, sous prétexte d’avoir « un rôle à jouer »…
D’ailleurs, l’écriture inclusive n’existe pas qu’en français. Celui ou celle qui l’a compris dans sa langue ne devrait pas avoir de mal à s’adapter…
Bonjour,
Pardon, mais en quoi elle ajouterait un niveau de complexité supplémentaire, hors point médian ? Les règles d’écriture sont autant de symboles d’une société et des représentations mentales de celle-ci. Je vous invite à regarder une autre vidéo de l’Obs qui fait une petite blague pour illustrer à quel point la langue française est sexiste : un courtisant, c’est un homme que l’on voit auprès du roi. Une courtisane, c’est une pute. Un entraineur, c’est homme qui entraîne les sportifs. Une entraîneuse, c’est une pute. Un homme facile, c’est un homme agréable à vivre. Une femme facile, c’est une pute. etc etc :
D’autres combats sont menés pour arriver à l’égalité salariale de fait. Pourquoi refuser cet outil supplémentaire ? Quels sont vos arguments exactement, s’il-vous-plait ?
Bonjour,
L’égalité hommes-femmes est un objectif important. Dans le même temps, la langue française est déjà très complexe. Demandez aux étrangers qui apprennent le français ! L’écriture inclusive ajouterait alors un niveau de complexité supplémentaire. Est-ce bien nécessaire ?
Il s’agit là que de règles d’écriture, indépendant des rôles des individus dans la société, une égalité pouvant par ailleurs être respectée : salaires, évolution de carrière, etc.